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Histoire du Maroc
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7 avril 2006

Les esclaves blancs de l'islam

http://www.lesoir.be/rubriques/culture/livres/page_5904_424098.shtml

Deux siècles durant, les pirates de Salé ont réduit en esclavage les marins chrétiens. Retour sur cet autre choc des civilisations.

maroc015En l'été 1715, un vaisseau baptisé le Francis quitte le port de Falmouth dans les Cornouailles pour livrer en port de Gênes une cargaison de pilchards. À son bord, un mousse de tout juste onze ans, Thomas Pellow : tête de bois, loustic volontaire, il vit sa première sortie en mer. Thomas aurait tout osé pour quitter l'école, ne plus revoir son village de pêcheurs aux curieuses armoiries ornées d'une tête de Sarrasin. Ironie de la flibuste, la tête de Sarrasin allait le hanter durant vingt-trois ans.

Car, pris d'assaut par les pirates maures de Salé usant de petits bateaux rapides ou chébecs, le Francis sera au nombre des bateaux de commerce anglo-saxons mais aussi espagnols, italiens, français, suédois, islandais qui, cette année-là, fourniront au sultan du Maroc, Moulay Ismaïl, les esclaves blancs nécessaires à la construction des palais munificents de Meknès. Et voici Thomas devenu captif en Barbarie, lourdement entravé et jeté dans une matamore, cellule souterraine et humide de la côte marocaine où les esclaves s'entassent par dizaines.

Si l'écrivain anglais Giles Milton s'est intéressé au sort de Thomas Pellow, c'est en premier lieu parce que son destin d'esclave est peu commun : affecté à l'entretien des armes du sultan, il devient ensuite le souffre-douleur de l'un de ses fils, puis le page de la favorite, ensuite l'un des gardiens du harem (est rapporté l'épisode authentique où il doit empêcher le sultan en personne de gagner nuitamment le salon des épouses) avant d'être converti sous la torture à l'islam, marié de force à une compagne qu'il n'a (presque) pas choisie, puis devient père de famille tout en étant propulsé à la tête d'une force armée de trois cents convertis. Le jeune Anglais, longtemps maltraité, apatride, se retrouve ainsi caserné à Casbah Temsna, d'où il dirigera plusieurs opérations visant à écraser toute rébellion contre le sultan.

Cette histoire singulière, qui s'achève le 15 octobre 1738 par une évasion rocambolesque et le retour de Thomas au village, permet à l'auteur de contextualiser les rapports (si peu) diplomatiques que tente de tisser Londres avec Rabat pour obtenir la libération des esclaves. Étonné, le lecteur découvre une cour anglaise inepte, des ambassadeurs arrogants, un sultan d'une cruauté qui confine à la caricature... mais telle est l'histoire, documents à l'appui.

Pellow devient ainsi le fil conducteur d'une digne « histoire extraordinaire des esclaves européens en terre d'islam » (sous-titre de l'ouvrage), même si l'auteur se contente d'emballer en quelques pages les années de flibuste maure qui précèdent et prolongent l'épisode du jeune marin des Cornouailles.

Un bémol : ce livre nous happe dès les premières pages parce qu'il explore la manière dont l'Europe chrétienne et le Maghreb musulman vont nourrir de violences et mépris réciproques un contentieux qui ne cessera de croître jusqu'au deuxième quart du XIX e siècle. Il y a là indéniablement une résonance pour notre siècle, et une dizaine de pages expliquent à merveille en quoi le Sarrasin est à l'époque diabolisé à Londres. Mais l'ouvrage ne se livre pas à une étude fouillée, en d'autres pays, de ce constat.


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